Leçon de piano [PV Benjamin Henriksen]

Il devait avouer qu'il s'attendait à tout sauf à cette question. C'était après tout un peu indiscret et ça pouvait prêter à confusion. Mais après tout, il était sûr qu'elle ne pensait pas à mal, alors il répondit tout naturellement la vérité, d'un ton un peu mal assuré.

- Hum non, et toi ?

Après tout c'est ce qui venait ensuite, si il avait simplement répondu sans lui poser la question en retour, là ça aurait été bizarre. De lui-même il ne lui aurait jamais posé la question, il n'était pas quelqu'un d'indélicat, alors il aurait eu peur qu'elle le prenne autrement que comme une simple question, sans arrière-pensée. Il n'avait pas l'esprit tordu, alors il n'interpréta pas ceci à mal.

- Tu aimes les animaux ?

D'accord, c'était une façon bizarre d'enchaîner et il n'avait pas encore eu la réponse de sa précédente question, mais il ne savait pas vraiment quoi dire.

- Non, répondit-elle.

On n'avait jamais proposé de devenir l'amoureux de la brune ce qui la peinait un peu. Elle n'en cherchait pas en particulier mais aurait aimé qu'un jour, on prête un peu attention à elle et qu'on n'y voit pas que la "fille que j'me suis faite le week-end dernier" ou comme "la folle qu'a tabassé untel". Elle retint un soupire et reporta son attention sur lui.

- Les animaux ? Ben... certains oui, d'autres non, répondit-elle. Et toi ?

Elle baissa la tête un instant sur le cuir du tabouret, songeant au dernier animal qu'elle a chéri - seule chose vivante qu'elle ait aimé dans sa vie que son beau-père avait tué dans un élan de colère mêlé d'alcool et de drogues.

Oh non il l'avait rendu triste ! Nerveux, il ne savait pas quoi faire, tordant ses mains dans tout les sens. Il y avait un problème ? Il pensait que les animaux était un sujet assez sûr, il s'était trompé semblerait-il.

- J'aime aussi mais euh, quelque chose ne va pas ? souffla-t-il avec inquiétude.

Devait-il dire quelque chose ? Faire quelque chose ? Il tapota son épaule, dans un geste qu'il voulait réconfortant mais en ayant l'air plus ridicule qu'autre chose.

- Si j'ai dit quelque chose de déplacé, je m'excuse sincèrement, fit-il penaud.

Il baissa la tête, fixant sans ciller le bout de ses chaussures. Il réfléchissait à comment rétablir les chose.

Elle avait gardé la tête trop baissée. Du moins assez pour qu'il commence à s'inquiéter et qu'il panique en demandant si elle allait bien. Elle releva le visage mais lui le baissait en s'excusant. Elle avait sentit la tape amical, comme quoi il commençait un peu à se détendre mais elle tenta de le rassurer.

- Oh mais t'as rien fait ! s'empressa-t-elle de dire en secouant les mains pour vite cesser avec "aïe". C'est juste que j'avais un animal qui a... vraiment mal fini.

Et elle atténuait l'adjectif pour ne pas dire "horrible" ou "à gerber". Rien qu'en se rappelant de cette image, elle sentait ses yeux la piquer horriblement. Elle passa une main sur son visage pour vérifier qu'aucune larme n'était passée et lui afficha un sourire franc.

- Tout va bien, souffla-t-elle en lui prenant son menton pour le forcer à la regarder bien qu'on aurait dit qu'elle se persuadait elle-même.

Il se mit à rougir furieusement lorsqu'elle lui prit le visage pour le forcer à la regarder. Il était timide, on ne changeait pas comme ça. Il détourna le regarda tout en lui souriant avec compassion.

- J'aime beaucoup les animaux de mon côté, mais j'ai jamais pu en avoir, avoua-t-il en soufflant. C'est toujours mieux je suppose que d'avoir vécu une telle expérience.

Toutefois il n'était persuadé qu'elle eut allé bien. Il la regarda de nouveau en plissant les yeux, comme pour chercher à l'examiner. Elle semblait vraiment souffrir du poignet et il se demanda si elle ne voulait pas aller à l'infirmerie ou tout au plus prendre des anti-douleurs. Ses yeux firent le chemin à plusieurs reprises entre son poignet et son visage. Il hésitait à poser la main sur elle, ne serait-ce que pour lui montrer qu'en cas de problème, il était là. Mais ils ne se connaissaient juste pas assez pour qu'il se permette une telle familiarité.

- Si tu veux parler, ne te gênes pas hein, il paraît qu'exorciser ses émotions est toujours plus soulageant que de les garder pour soi, fit-il avec sérieux. Après si tu ne préfères pas je comprendrais hein, tu n'as pas forcément envie de t'étaler devant un illustre inconnu.

Elle comprit qu'il se dégageait et il était sacrément gêné en vue de ses joues devenues rouges. Elle posa la main sur sa cuisse et hocha la tête. Et encore, ce n'était que le début de ses mésaventures à la jeune fille. Elle vit le regard du jeune homme dévier entre son poignet et son visage un moment. Elle se retenait presque de respirer en croyant qu'il avait vu qu'elle se retenait de pleurer quand il lui proposa de déballer son sac. D'habitude, elle refusait catégoriquement voir remballait la personne mais là, elle sût qu'elle pouvait quand même se le permettre.

- Jake. J'avais un labrador du nom de Jake. C'était... mon seul ami, confia-t-elle honteusement.

Elle baissa la tête en fermant les yeux comme une dingue, elle sentait que ça arrivait.

- Mon seul ami que mon bâtard de beau-père a battu à mort sous mes propres yeux putain !

Sa voix partit comme si le sol se dérobait sous ses pieds. Elle ne put finir tant son corps était secoué de sanglots. Elle laissa ses larmes inonder ses joues, son t-shirt et ses mains qui tentaient désespérément de les essuyer sans y parvenir. Longtemps qu'elle n'avait pas pleuré ou parler à quelqu'un sans l'insulter au passage.

Là il ne savait définitivement pas quoi faire. Il ne s'était pas attendu à ce genre de réponse. Lui qui s'était toujours plaint de ses parents se surpris à être heureux de les avoir finalement, car mieux valait l'indifférence que la cruauté. Il se mit à ressentir une incroyable animosité pour ce type qui avait pris plaisir à faire du mal à cette fille qui il était sûr n'avait rien à se reprocher. Lui qui n'avait jamais eu d'ami se dit que cela valait mieux au final que d'en perdre un de façon aussi brutale.

- Je suis désolé... Je ne savais pas, fit-il piteusement.

Il ressentait sa tristesse presque comme la sienne et avait vraiment envie de la réconforter. Il décida de faire fit des convenances, au pire elle le repousserait mais il sentait que c'était la bonne chose à faire. Alors donc il s'avança avec prudence et la prit doucement contre elle en la serrant dans ses bras et en lui frottant le dos pour la calmer. Il n'avait vraiment pas l'habitude de montrer de l'affection envers une personne, mais c'était un geste malgré tout naturel et anodin à ses yeux.

Il s'excusait une nouvelle fois. Il n'avait pas à le faire. Elle-même s'en voulait de lui faire faire s'excuser pour rien. Elle continua de pleurer comme une madeleine quand elle le sentit bouger. Elle crût qu'il allait partir quand elle sentit deux bras l'entourer pour la plaquer gentiment pour un autre corps. Venant de lui bizarrement, ça allait. Si d'autres l'avait fait, elle l'aurait déjà envoyé de l'autre côté de la pièce. Elle passa ses bras autour de la nuque de Benjamin en continuant de sangloter.
Une minute suffit à calmer ses sanglots et ses larmes de crocodiles. Sûrement une pause qui cachait d'autres larmes. Elle ne s'était jamais remise de cette histoire et refusait d'avoir un autre animal depuis.
Elle attendit de bien se calmer pour relever la tête de son épaule et de le regarder dans les yeux sans prendre la peine de le lâcher.

- Merci, souffla-t-elle en tentant de sourire. J'avais pas pleuré comme ça depuis des années.

Il se permit un sourire quand il vit qu'elle s'était calmer. Il ne rompit pourtant pas leur étreinte, car il se sentait bien finalement, dans cette position. Il avait certainement envie de profiter encore quelques instants de la chaleur de leur étreinte.

- De rien, souffla-t-il tout en ne déviant pas son regard du sien. Comme je l'ai dit, il n'y rien de mal à se lâcher de temps en temps.

Son regard se fit doux, alors qu'il la regardait. Il était heureux qu'elle ne l'ait pas rejeté . Elle aurait pu, et il en aurait été blessé, mais elle n'avait pas mal interprété ses intentions et ça lui faisait énormément plaisir qu'elle ait réussi à suffisamment le cerner pour savoir qu'il ne pensait pas à mal.

- D'habitude, tu fais quoi quand tu vas mal ? demanda-t-il innocemment.

Elle continuait de lui sourire faiblement. Elle s'autorisa même de rire en hochant la tête quand il lui dit que c'était bien de se lâcher. Elle avait eut cette occasion en or. Cette crise de larme la soulagea plus que n'importe quelle thérapie qu'elle avait subies étant jeune. C'est fou comme l'épaule de quelqu'un pouvait vous aider.

- Eh bien, lança-t-elle en séchant une dernière larme, je gratte, je pianote... en gros je joue d'un instru' mais...

Elle leva son poignet à la hauteur de leurs visage pour lui montrer qu'elle ne pouvait rien faire.

- Sinon y'a aussi me défouler sur quelqu'un, boire à en vomir, fumer et la dernière option coucher avec un type.

Elle le toisa dans les yeux à son dernier mot. Une première qu'elle parle autant avec un garçon mais le connaissant timide, elle n'allait pas jeter son dévolu sur lui déjà qu'ils commençaient sur une bonne voie... avec une posture limite suggestive mais elle s'en fichait éperdument. Elle ne se tenait jamais comme ça avec quelqu'un mais ça pouvait porter à confusion.

Tout ça était embarrassant, cette fille était vraiment à des années lumières de ce dont il avait l'habitude. Et alors qu'elle lui avait semblait spontanée, il se rendit compte que c'était plus que ça. Il ne se rendit pas compte de sa posture suggestive, mais déglutit à la fin de sa phrase. Mais il se reprit bien vite, il savait qu'il n'était pas concerné. Tout bonnement parce qu'elle était trop bien pour quelqu'un d'aussi coincé que lui et aussi parce qu'on voyait à des kilomètres qu'il n'était le genre de type obsédé par ce genre de pratique. Il hoche simplement la tête avec un sourire timide.

- Et à cause de ton poignet aucunes de ses options n'est possible... énonça-t-il machinalement sans prendre compte de la dernière "option". Tu peux tester ma méthode du "j'ai pas de méthode en fait", ou simplement me parler si tu as besoin. Mais ne va pas tabasser quelqu'un, tu risquerait de te blesser encore plus.

Il lui fit un clin d'oeil discret à ces mots. Il aimait vraiment bien sa présence, comme si elle le rendait plus sûr de lui, plus sociable. Il commençait tout doucement à se détacher du jeune homme renfermé qu'il avait toujours été, et c'était comment dire...revigorant.

Il avait raison. Aucune option n'était possible et sûrement pas la dernière. Le nom de sa méthode lui arracha un rire qui lui remonta un peu le moral. Leur position ne la dérangeait presque pas et puis, il semblait se lâcher un peu. Comme quoi, tout allait s'arrangeait. Ou presque.
Elle considéra sa proposition. Elle ne voulait pas finir dans une marre de larmes, elle se trouvait déjà trop gnangnante à chialer sur son épaule.

- Je crois que je vais m'arrêter là, j'ai salopé ton pull, répondit-elle avec un sourire. Parle-moi de toi, le temps que j'me calme.

Une chance qu'elle n'ai pas choisi de mettre du maquillage en ce jour, sinon le pull du pauvre garçon aurait été souillé de noir.

Il ne portait pas un pull extraordinaire non plus, au contraire, il était des plus banal. Il resta un instant muet, réfléchissant à quoi lui raconter sur lui. Il n'était pas ce que l'on pourrait nommer une personne intéressante. Et puis il cherchait à lui remonter le moral, pas à l'enfoncer. Il se dit qu'en racontant les choses de la manière la plus neutre, ça passerait peut-être pour une histoire heureuse.

- Parler de moi hein ? Comme je t'ai "arraché" des confessions tout à l'heure, je suppose que je te dois bien ça, admit-il.

Il fit une pause, cherchant mentalement de quoi lui parler, autant commencer par le commencement.

- Alors je suis né à Bergen en Norvège, une assez grande ville, une des plus grande du pays à vrai dire. C'était très beau là-bas. Je n'y ais pas vécu longtemps par contre, à mes cinq ans, on sillonnait déjà les routes mes parents et moi. On est allé en Afrique du Sud ensuite, ou on est resté seulement deux ans dieu merci !

Il prit un pause, le temps d'organiser ses pensées.

- Tu comprends, les gens sont légèrement racistes là-bas. Alors on ne m'appréciait pas vraiment. Donc, reprit-il après le plus gros euphémisme du siècle. Après ça on est partit quelque mois en Écosse, mes parents sont photographes alors ils voyagent énormément pour prendre en photo de magnifiques paysages. Il n'y a d'ailleurs rien que ça qui les intéresse.

Il esquissa un rictus ennuyé à ce souvenir, combien de fois avait-il souhaiter attirer leur attention, sans succès...

- On est allé un peu partout à vrai dire, je sais que ça peut paraître cool au premier abord mais c'est pesant au final, alors j'ai décidé que j'en avait marre et me voici, fraichement débarqué depuis...Il fit mine de réfléchir. Ce matin pour être exact.

Et c'était ainsi que prenait fin le récit de sa vie ô combien palpitante.

Elle le lâcha finalement histoire de le laisser respirer. Il narra son histoire, du moins le gros. Il parlait de sa vie comme s'il n'avait rien vécu de passionnant mais pour June c'était le rêve. Il avait eut une sacré chance d'avoir sillonné d'autres continents, d'autres pays, d'autres villes. Ses parents étaient photographes. Elle-même s'était souvent intéressé à la photographie mais elle bougeait tellement que c'était impossible.
Elle suivait son histoire avec attention, hochant la tête, les yeux pleins d'étoiles.

- Godness, t'en as eu de la chance, souffla-t-elle.

Si elle avait eut une vie comme ça, elle ne serait pas là entrain de chialer sur le petit nouveau.

- Ah bon ? T'as débarqué que ce matin ?! Désolée d'avoir gâché ton après-midi, s'excusa-t-elle en rougissant d'avoir plombé son exploration avec une crise de larmes.

Alors elle aurait souhaité avoir ce train de vie ? Il comprenait qu'elle eût souhaité échanger ses propres parents (qui ne semblait pas des plus recommandables) avec n'importe qui. Mais ses parents n'étaient pas des modèles de vertus, bien au contraire, cumulant les excès, étant complètement indifférent à leur propre fils, faisant comme si ils ignoraient jusqu'à son existence à part quand ils voulaient qu'il leur rende un service. Lui imposant leur style de vie, leur sautes d'humeur. Lui imposant tout un tas de choses. Non décidément, non, ses parents n'étaient pas des gens bien. Il ne pu s'empêcher d'arborer un air contrarié, puis il souffla bruyamment.Elle devait le prendre pour un enfant pourri gâté de ne pas être satisfait de sa situation antérieure mais il ne pouvait pas lui expliquer, à quel point il avait toujours été seul, à quel point devoir s'occuper de ses parents lui pesait, tout ça c'était trop à expliquer pour le moment.

- Tu n'as rien gâché du tout, bien au contraire, répondit-il en souriant. Je me serais retrouvé tout seul en ne sachant pas quoi faire, comme d'habitude quoi.

Ils avaient beau être différent, il sentait au fond de lui qu'elle partageait la même infinie solitude que lui...

Elle le vit souffler bruyamment, provoquant un haussement de sourcils à la brune puis il la soulagea quand il lui affirma qu'elle ne l'ennuyait pas. Par ses paroles, il semblait un grand perdu de la vie, ne sachant que faire. Elle eut un semblant de pitié et surtout de la compassion. Pas la compassion feinte des amis égocentriques, elle savait réellement ce que ça faisait. Ils avaient beau être des contraires et avoir eu des mélodrames plus ou moins important, ils ressentaient à peu près les mêmes choses.
Elle esquissa un sourire bienveillant puis osa user de sa tacticité. Elle prit le visage du garçon à deux mains et planta ses lèvres sur la joue droite du jeune homme. Il était furtif, rapide (en même temps elle va pas rouler une pelle à sa joue). Elle reprit son sourire en le toisant dans les yeux.

- Dis-toi que t'as au moins gagné une amie... et un guide, souffla-t-elle en lui adressant un clin d’œil.

Le rouge lui monta très vite au joue, n'étant habitué à de telles effusions de tendresse, mais un sourire sincère naquit sur ses lèvres au même moment. Alors il s'était enfin fait une amie après tant d'années d'essais infructueux ? Si il n'était pas lui, il l'aurait repris dans ses bras et serrée sans ménagement. Mais étant ce qu'il était, il la regarda simplement avec gratitude, il en était presque ému.

- Tu veux vraiment être mon amie ? demanda-t-il d'une voix mal assurée mais avec espoir.

Peut-être arrivait-il enfin à s'ouvrir aux autres ? Peut-être que privé de la mauvaise influence de ses parents il arrivait à être plus lui-même ? Ou tout simplement que malgré leur différences à tout les deux, leurs rares similitudes les rapprochait en quelques sortes ? Il ne saurait dire. Mais il prit sa main valide et la secoua rapidement en signe de gratitude. Il était pleinement heureux en cet instant.

Elle rit en le voyant rougir de la sorte. Il avait l'air d'un petit garçon choisi par Rihanna pour passer dans son clip. Il était amusant. Elle hocha la tête à sa question qui semblait plus être une répétition de ce qu'elle avait dit.

- Oui, rit-elle de bon cœur.

Elle le laissa serrer vivement sa main droite comme s'ils avaient signé l'accord qu'il attendait depuis toujours. Il n'avait pas la tête à avoir des amis. Elle non plus, ils se complétaient parfaitement. Il la faisait rire mais elle ne se moquait pas. Intérieurement, elle se sentait joyeuse. Presque heureuse. Il manquait encore quelque chose pour atteindre son "bonheur" mais Benjamin lui débarrassait déjà d'un certain poids des épaules.

- Tu n'as vraiment jamais eu d'amis ? Même pas quelqu'un avec qui jouer à la récréation ou quoi ? demanda-t-elle, un peu surprise.

Il hocha négativement la tête. Les autres enfants ne l'approchaient pas, le trouvant trop anormal, trop bizarre pour jouer avec eux. Il réfléchissait trop et le trouvait prise de tête et puis il y avait des tas de gamins très intéressants, beaucoup plus que lui. Les seules fois où il faisait enfin connaissance avec quelqu'un, ses parents trouvaient le moyen de partir avant qu'il n'en soit au stade ami. Ça ressemblait presque à du sadisme à l'état pur. Alors il s'était réfugié dans ses lectures, ses livres devenant ses seuls compagnons de route et se coupant peu à peu du monde plus qu'à l'accoutumée.

- C'est le revers de la médaille lorsqu'on voyage autant, essaya-t-il de la rassurer.

Ce n'était pas totalement faux, ça n'aidait en rien à tisser des liens, mais ce n'était la réalité des choses. Les gens ne voulaient pas de lui en général et à force il s'était mis à éviter les gens. À arborer en permanence le même visage neutre et sans émotion pour ne pas montrer quelle personne fragile et timide il était à l'intérieur.

- Tu dois me trouver ridicule maintenant...

Il n'avait donc aucun ami. Aucun sur qui compter lorsqu'il en avait besoin, aucune main secourable lorsqu'il le demandait et aucune oreille pour l'écouter. Elle eut un air peiné pour lui. Pauvre garçon, il méritait vraiment que June lui accorde sa confiance. D'accord, ce n'était pas le garçon idiot que tout le monde veut connaître mais il suffisait amplement même avec ses manies étrange.

- Pourquoi est-ce que je te trouverais ridicule ? J't'ai avoué que j'faisais la salope y'a quelques minutes, plaisanta-t-elle en riant.

Il ne comprenait pas comment elle avait pu se retrouver aussi seule que lui, ça ne faisait aucun sens parce qu'à ses yeux elle gagnait largement à être connue. Elle n'était pas timide, elle était ouverte et franchement drôle. Et elle était une créature dotée de compassion, même envers un être aussi anormal que lui. Alors non, il ne comprenait pas pourquoi elle se rabaissait, elle tentait juste de trouver du réconfort là où elle le pouvait et avec ses propres moyens. Lui n'allait pas vers les autres, elle brûlait des étapes voilà tout, mais il ne pensait pas qu'elle mérita un si dérangeant qualificatif. Il secoua la tête, perturbé, il devait la rassurer, lui montrer qu'il n'avait jamais pensé ça d'elle et que d'ailleurs jamais il ne le ferais.

- Ne dis pas ça de toi, tu es une personne merveilleuse, c'est juste qu'au lieu de te renfermer sur toi-même comme certaines personnes...

Et par certaines personnes il entendait lui, bien sûr.

-...Tu as ta façon à toi de chercher de l'attention, de l'affection même. Et ce n'est pas forcément une mauvaise chose, personne n'a le droit de te juger, et je ne le ferais pas. Quand personne ne fait attention à nous, on fait avec les cartes que l'on a en main. Et tout le monde ne dispose pas d'un carré d'As. Disons que je me suis retrouvé avec une paire de deux, et toi de trois ? Quand on a pas de chance, on fait comme on peut, enfin voilà quoi...

Il avait utilisé une drôle de métaphore et s'y était un peu emmêlé les pinceaux, mais il avait parlé d'un souffle et avec sincérité. Ce qu'il disait, il le pensait. Lorsqu'il ouvrait la bouche en général, ce n'était pas pour dire n'importe quoi. Car il prenait le temps de dire ce qui devait être dit, ni plus ni moins, à l'instar des Ents.

Il était arrivé à comprendre une chose qu'elle n'avait même pas pensé. Elle esquissa un large sourire à ses paroles. On aurait dit que ce type ne voyait que le bon côté des personnes. Plutôt de sa personne. June lui lança un sourire franc et passa une mèche de cheveux derrière son oreille. Sa métaphore sonnait un peu maladroitement mais elle comprenait ce qu'il voulait dire. Il était sérieusement intelligent ce type, il l'impressionnait. Elle avait aussi comprit qu'il sous entendait qu'il se renfermait. Elle secoua un peu la tête et lui assura:

- Dis-toi que t'as évité bien des choses, ricana-t-elle.

Quand elle disait cela, elle parlait des risques de l'adolescence comme un cancer du poumon, une addiction aux drogues, à l'alcool ou autres dépendances ainsi que les conséquences que tout cela engendrait.

Il était franchement soulagé qu'elle ait compris l'essentiel de ce qu'il voulait lui dire. Il arbora une moue pensive à sa réponse. Certes il avait évité de vivre le pire, mais ne s'était-il pas privé du meilleur par la même occasion ?

- Ce n'est pas éviter de vivre des sensations fortes qui est la bonne solution je pense... Mais plutôt de tenter l'expérience en sachant que de mauvaises choses peuvent arriver, mais aussi de bonnes en contrepartie, même peu nombreuses, énonça-t-il maladroitement.

Tout ces essais contribuaient un peu à forger la personne en devenir qu'ils étaient. Mais lorsqu'on a jamais rien essayé par soi-même, n'étions nous pas une marionette dépourvu de volonté propre ? Incapable de se diriger dans la vie car privée de précieuses expérience.

- Ça peut être dommageable, j'en conviens, continua-t-il. Mais je pense qu'il faut toujours tenter le tout pour le tout, même si tu peux le deviner, je ne suis pas vraiment mes propres conseils, plaisanta-il.

Il avait cette fâcheuse tendance à être trop sérieux. Autant essayer de se détendre, surtout qu'il sentait qu'il arrivait à parler ouvertement avec la jeune anglaise.

Elle ne cessait de hocher la tête. Il avait totalement raison mais ne semblait pas suivre ses conseilles. Il avait l'air si peu "touche-à-tout". Elle se devait de lui faire tester de nouvelles choses. Il allait finir inculte en comportement adolescent. Elle se devait de le lui apprendre aussi.

- Si tu ne les suis pas, j'peux t'aider à les suivre, ajouta-t-elle en se penchant vers lui. Mais pour ça il va falloir que tu me fasses confiance et que tu me dises si t'as le SIDA ou non.

Elle attendit une seconde puis éclata de rire.

- Ça, c'était une plaisanterie ! Désolée, souffla-t-elle avec un sourire amusé planté sur le visage.

Tout d'abord il haussa un sourcil interrogateur. Ne voyant pas ce que ça pouvait bien avoir à faire avec cette histoire.

- Non pas à ma connaissance, répondit-il avec sérieux.

Puis comprenant finalement, il ouvrit d'abord la bouche en un "oh", il venait de percuter le sous-entendu. Il avait presque envie de se plaquer les mains sur le visage et de lâcher un "euh" tellement c'était évident. Puis pour rattraper son erreur tout en rougissant furieusement, il enchaîna.

- Oh d'accord, fit-il en ricanant. J'avais pas compris.

Il roula des yeux devant l'étendue de sa non-compréhension de ce genre de sous-entendu.

- C'était marrant, t'inquiètes pas, la rassura-t-il en bougeant ses mains comme si il tentait de l'apaiser ou il ne savait quoi.

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